Point juridique n°7 : Les lois d’amnistie (exemple de la Charte pour la paix et la réconciliation de 2005 en Algérie)

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« La présente ordonnance a pour objet :

– La mise en œuvre des dispositions de la Charte pour la paix et la réconciliation nationale, expression de la volonté souveraine du peuple algérien ;

– La concrétisation de la détermination du peuple algérien à parachever la politique de paix et de réconciliation nationale, indispensable à la stabilité et au développement de la Nation. »

Article 1er, Charte pour la paix et la réconciliation nationale, 2005

DÉFINITION

Origines du terme

Le mot “amnistie” est issu du grec ancien [amnestia], qui signifie “oubli” ou “pardon”. Etymologiquement, il s’agit ainsi d’un pardon collectif accordé par le souverain. Il est historiquement convenu que la 1ère loi d’amnistie est celle de Thrasybule en l’an 405 av. JC, lors de la guerre du Péloponnèse. Depuis, le droit domestique et le droit international se sont emparés de ce terme.

Définition juridique

L‘amnistie est ainsi synonyme de “pardon“ légal. Par l‘adoption d‘une loi d‘amnistie, le pouvoir absout de manière rétroactive certaines ou toutes les parties à un crime passé. Les auteurs de crimes sont alors exemptés de toute poursuite judiciaire, et la loi peut inclure des dispositions pour les victimes.

Contexte(s) d’application

Les lois d‘amnistie sont adoptées au niveau national à la suite d‘un conflit (directement après, ou dans un temps plus long) ayant opposé des groupes internes à la population, dans un contexte de révolution, coup d‘Etat ou guerre civile. L‘objectif avancé derrière de telles lois est de ramener la paix et l‘unité au sein de la population, dans une logique “réconciliatrice“.

Ces lois sont généralement adoptées dans les contextes les plus graves d’accusations de crimes de guerre et/ou crimes contre l’humanité.

LOIS D’AMNISTIE EN ALGÉRIE

La guerre civile ou la « Décennie noire »

Entre 1992 et 1998, les Algérien.e.s se sont retrouvés pris en étau dans un conflit sanglant entre les groupes islamistes et les forces de l’Etat. Les deux parties belligérantes ont commis des violations graves des droits humains dont des crimes de guerre et crimes contre l’humanité, à l’instar de disparitions forcées, détentions arbitraires, torture, violences sexuelles et exécutions extrajudiciaires. Cette extrême violence a laissé des séquelles encore perceptibles dans la société algérienne actuelle.

Les lois de concorde civile (1999-2000)

En 1999, le gouvernement algérien promulgue la loi sur la Concorde civile, qui accorde des exonérations et atténuations de peines pour les personnes impliquées dans des actions de terrorisme. En 2000, les bénéfices de cette loi ont été étendus par décrets aux groupes armés de l’Armée Islamique du Salut.

La Charte dite pour la Paix et la Réconciliation nationale (2005)

En 2005, l’Etat fait adopter une nouvelle loi d’amnistie assortie de 4 textes d’application entrés en vigueur en 2006, qui octroie l’immunité juridictionnelle aux agents de l’Etat qui auraient commis des “actes répréhensibles” pour préserver la sécurité des biens, des personnes, des institutions et de la Nation.

ARTICULATION D’UNE LOI D’AMNISTIE

Cas d’étude : la Charte de 2005 en Algérie

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LOIS D’AMNISTIE ET JUSTICE TRANSITIONNELLE

Un processus de paix souvent défaillant

En plus d’être un mécanisme garantissant l’impunité pour les auteurs des violations des droits humains, les lois d’amnistie empêchent les victimes d’accéder à la vérité et la justice (absence d’enquêtes, interdiction de porter plainte…) et violent les droits fondamentaux des familles et des militant.e.s, dont notamment la liberté d’expression. Ainsi, les lois d’amnistie peuvent paradoxalement contribuer à accentuer les fractures au sein d’une société.

Sur les disparitions forcées, les organes internationaux sont clairs :

  • Le Comité des droits de l’Homme estime que les Etats parties ne peuvent exonérer les auteurs de DF de leur responsabilité personnelle en adoptant des lois d’amnistie.
  • Le Comité contre la torture estime que la subordination de l’indemnisation à l’établissement d’un jugement de décès peut “constituer une forme de traitement inhumain et dégradant”.

 

La nécessité d’inclure des mécanismes de justice transitionnelle

Afin d’assurer un réel retour à la paix et la réconciliation nationale, il est absolument nécessaire de mettre en place des mécanismes de justice transitionnelle fondés sur 4 principes* : 1) Recherche de la vérité, 2) Refus de l’impunité, 3) Mise en place de réparations appropriées et adéquates, 4) Garanties de non-répétition des crimes du passé.

*Détaillés dans le communiqué du CFDA du 29 sept. 2023.